Daté mais pas ringard !
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popularité : 65%
La télécommande est un accessoire indispensable au téléspectateur d’aujourd’hui. Elle permet d’accéder à la chaîne qui diffuse le programme élu ou bien elle contribue au choix de ce programme par le jeu du zapping. L’offre télévisuelle actuelle est pléthorique, on peut penser que si notre jeune téléspectateur suit un épisode d’une série, c’est qu’il en a fait le choix libre et motivé ! Songeons qu’il en va tout autrement en 1963 ! La télévision, pour peu qu’on en possède une (on compte moins de six millions de téléviseurs à ce moment), ne diffuse qu’une douzaine d’heures de programme quotidien sur la chaîne unique de la RTF !
- Fin des programmes à 23h25…
- Télé 7 jours n°189 – novembre 1963
Un modèle de télécommande a été breveté aux Etats Unis dès 1956 mais on voit bien qu’elle ne présente encore aucun intérêt.
Faut-il expliquer le succès de Thierry la Fronde par le fait que son public captif n’a pas d’autre alternative que de laisser allumé son poste le dimanche en soirée à 19h20 ? Cette hypothèse ne résiste pas à ce simple argument : il faudrait alors que tous les feuilletons diffusés à la même époque affichent la même côte de popularité !
- Le succès de la série tient-il à la mise en avant de son acteur principal ?
- Archives "Le Progrès"
Tout de même, il est permis de supposer que l’absence de concurrence a pesé sur les conditions de réalisation de Thierry la Fronde. Encore qu’il faille signaler que passent à l’antenne des productions étrangères vis-à-vis desquelles Thierry la Fronde se doit de soutenir la comparaison (Ivanhoé en 1959, Richard Cœur de Lion en 1965, Robin des Bois en 1965).
« 1963… Je revenais du Canada, je dis à la production « Alors on tourne Thierry la Fronde en couleur ! ». On me répond qu’en France, avant qu’il y ait de la couleur, cela prendrait dix ans. Quelques années après, la télévision couleur se répandait. Pourquoi dépenser de l’argent ? Tourner en couleur, c’était plus cher ! »
Jean-Claude Deret, auteur de Thierry la Fronde
Autre élément que notre jeune téléspectateur familier des tournages pharaoniques et des effets spéciaux doit avoir à l’esprit. L’épisode de Thierry la Fronde tel qu’il l’aurait découvert en 1963 lui est présenté confectionné avec les moyens techniques de l’époque.
La manifestation la plus évidente en est l’utilisation du noir et blanc. Non pas que la technique ne permettait pas de filmer en couleur. La couleur fera son apparition en France en octobre 1967, sur la 2ème chaîne. A ce moment, seuls 1500 récepteurs sont capables de bénéficier de cette innovation.
Le matériel de tournage, les moyens techniques de la postproduction sont sensiblement différents, plus limités que ceux d’aujourd’hui. Qu’à cela ne tienne : bien des chefs-d’œuvre du cinéma ont été réalisés avec la même technologie. A charge pour notre jeune téléspectateur de discerner à quoi tiennent les caractéristiques et l’identité de Thierry la Fronde. Il pourra toujours imaginer ce que serait la réalisation d’une version contemporaine de Thierry la Fronde. Il pourra aussi se poser la question de savoir quelles sont les productions contemporaines qui utilisent avec le plus de panache et d’intelligence les possibilités offertes par les technologies de pointe du XXIème siècle.
- Thierry la Fronde a été filmé en noir et blanc, la photographie lui donne des couleurs…
- stéréocarte Bruguière – « Le retour de Thierry la Fronde »
Nous verrons que Thierry la Fronde n’est pas en reste vis-à-vis de la course à l’innovation. Notre jeune téléspectateur, comme le spectateur chevronné également, risquent d’être surpris par la façon dont ce feuilleton va surfer sur la montée en puissance de l’influence de la télévision en jouant comme jamais de la promotion, de la diffusion de produits dérivés et surtout, en se montrant l’un des pionniers les plus efficaces dans le passage d’une production quasi familiale à une production industrielle.
Quelle aventure !