Un air de chevalerie

mercredi 20 avril 2016
par  Froissart
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Jean-Claude Drouot penché sur le gisant de Du Guesclin, un des tombeaux des serviteurs royaux de la basilique de Saint-Denis. La référence au célèbre connétable breton est présente dans les gênes du personnage de Thierry la Fronde.
Magazine Noir et blanc - janvier 1964

L’auteur a réussi à faire de son héros un chevalier plutôt compatible avec la connaissance historique du Moyen Age. Un chevalier n’est pas nécessairement un noble même si la chevalerie entretient l’ambition de partager son statut élitiste : elle est héréditaire et se réclame d’ancêtres glorieux. Elle remplit, en quelque sorte un rôle d’ascenseur social ou moral. Tout vilain peut par ses qualités et ses exploits accéder très haut dans la hiérarchie sociale, posséder un destrier et côtoyer le seigneur. Inversement, la noblesse investit l’idéal chevaleresque pour assoir sa position dominante et y trouve un ciment idéologique.
Georges Duby en parle comme « un type de perfection virile qui n’est pas complètement évaporé dans notre temps ». Il définit le système de valeur de la chevalerie des origines selon trois directions : la prouesse, liée à la maîtrise et à la démonstration de la force physique par des exploits militaires (miles est le terme qui désigne le chevalier, c’est-à-dire le guerrier), la loyauté vis-à-vis des autres chevaliers et la largesse, c’est-à-dire la propension à ne pas s’accaparer les biens matériels, le soin d’en faire profiter les autres, en festoyant, par exemple. L’honneur assorti de la solidarité est une des clés de ce système. La courtoisie en devient plus tardivement une autre, savoir se comporter avec les femmes à la Cour du seigneur car la femme médiévale est perçue comme infidèle par nature.
Tout ceci ne dépare pas le portrait du Thierry de Janville que nous pouvons tracer. Pour nourrir l’éducation des futurs chevaliers, on sait que la guerre, la chasse et les tournois jouaient un rôle de premier plan.

On doit évoquer aussi la chanson de geste, un genre narratif qui s’est progressivement étoffé et vantait les chevaliers dont les exploits légendaires servaient au mieux ces valeurs chevaleresques. Ce n’est pas sans dessein qu’un poète figure parmi les compagnons. Ces œuvres récitées ou chantées remplissaient un rôle modélisant et incitatif car au cœur des réalités du temps, moult chevaliers dérogeaient à la règle sitôt les limites de la nature humaine trop rudement sollicitées. Le Prince noir ne fut pas un chevalier irréprochable, pour ne citer qu’un exemple. Viol, pillage, violences gratuites, abus de pouvoir, trahison, meurtre. Les rivalités politiques et l’état de guerre conjugués venaient à bout des serments. Il n’est que d’évoquer la guerre de Cent ans pour observer combien les équilibres rompus poussaient certains chevaliers à trahir leur idéal. C’est aussi une réalité de la chevalerie.

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Image d’un manuel scolaire contemporain de la diffusion de Thierry la Fronde, image d’Epinal : « le seigneur passe son temps à la chasse et à la guerre » dit la légende…
Histoire, éditions Delagrave, 1955, page10

L’Eglise joue un rôle crucial dans la valorisation de la chevalerie, par solidarité de caste essentiellement. Très défavorable aux pillages qui peuvent concerner ses biens, elle parvient à christianniser l’idéologie chevaleresque. L’organisation des Croisades va dans ce sens.

L’adoubement est le passage qui marque l’acquisition du statut de chevalier. Profane à ses origines, la cérémonie se teinte d’une dimension religieuse. Il faut souligner que cet aspect est totalement dévoyé dans la détermination du comportement et de la pensée de Thierry. Il n’est certes pas présenté comme un libre penseur et recueille avec politesse les conseils comme les admonestations du prieur mais il est très discret sur ses convictions personnelles sur le plan religieux et sa vision tolérante et œcuménique n’est absolument pas représentative de la mentalité dominante médiévale.

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« Tout chevalier a droit de créer de nouveaux chevaliers » : le rappel de l’esprit de la chevalerie du prieur au Prince Edouard dans l’épisode du Duel des chevaliers (1.11)
Photogramme issu de l’épisode « Le duel des chevaliers » (1.11) - INA

Jean-Claude Deret a réservé à Thierry les aspects rutilants de l’idéal chevaleresque en les aménageant quelque peu, avec quelques concessions. Le versant brutal et déviant est plutôt réservé à la composition du profil des chevaliers qu’il croise sur son parcours, pour le plus grand profit du scénario.