Le contexte

jeudi 29 octobre 2015
par  Froissart
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Partons du constat le plus objectif : Thierry la Fronde est un feuilleton télévisé français des années 60.

Un feuilleton… D’emblée, ce terme indique l’écriture d’une fiction qu’il faut suivre d’épisode en épisode sur une période de temps plus ou moins étendue. On peut signaler que cette appellation de « feuilleton » qui est celle utilisée au moment de la première diffusion pose problème car le début de chaque nouvel épisode ne démarre pas en fonction de la façon dont se terminait le précédent. On parlera donc plutôt de série.

…télévisé… Il s’agit d’une œuvre pensée, écrite, organisée, réalisée et diffusée pour la télévision, par conséquent pour intéresser les téléspectateurs. La production télévisuelle n’étant pas celle de l’industrie du cinéma, à nous d’en distinguer les particularités en observant ce qui différencie Thierry la Fronde d’un film de cinéma.

…français… L’histoire de la télévision, en France, s’inscrit dans une évolution qui croise celle de la presse écrite et de la radio. Depuis 1949, la RDF (Radio diffusion française) s’est vue remplacée par la RTF (Radiodiffusion télévision française) sous l’égide de laquelle les premiers épisodes de Thierry la Fronde seront diffusés. Le reste passera sur l’antenne de l’ORTF (Office de radiodiffusion télévision française) institué en 1964. On voit que pour être jeune, la télévision française n’en est plus à ses balbutiements.

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La première télévision, un souvenir marquant…
D.R.

… des années 60 La fameuse époque des Trente glorieuses bat son plein. Les ambitions, la forme, les contenus de la télé en France en sont le reflet. En situation de monopole, la télévision française est un service public et se trouve financée en totalité par la redevance de ses usagers et ce jusqu’en 1968. Elle est sous le contrôle attentif du gouvernement. L’ombre du général de Gaulle couvre la télé des années 1960.
Il s’agit d’une télévision de l’offre qui s’efforce de produire des formes et des contenus qui correspondent aux missions assignées : informer, cultiver, éduquer et distraire, pas moins ! C’est une télévision où la course à l’audience n’est pas une obsession.

Les genres télévisuels affirment leur identité et se structurent : le journal télévisé, le reportage sportif, l’émission de variété, la dramatique et le feuilleton, bien sûr. Avec les speakerines, les interruptions momentanées du programme, les publicités inaugurées en octobre 1968, le rituel du petit écran façonne l’écoute et la disponibilité des téléspectateurs du temps.
La France des Trente glorieuses : plein emploi, yé-yé, libération sexuelle, la belle vitrine que voici ! Oui, les Français aspirent à consommer, au confort et à la liberté. Mais la télévision se fait aussi l’écho des crises et des difficultés bien réelles : les déracinements de l’exode rural, les luttes sociales, les dérives de l’immigration mal maîtrisée, les intenses souffrances des guerres de décolonisation, la Guerre froide et le poids de la menace nucléaire.

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La télévision scolaire est une réalité. Elle donne lieu à la création d’émissions dédiées à des utilisations pédagogiques.
magazijne Télé 7 jours N°189, novembre 1963

Ce tableau nous incite à comprendre la part d’affectif qui intervient dans les appréciations d’un téléspectateur qui aurait découvert Thierry la Fronde lors de sa première diffusion entre novembre 1963 et mars 1966. La télévision qu’il a connue a changé : ses repères, ses sensations de téléspectateurs ne sont plus les mêmes. Il est donc nécessaire qu’il fasse appel à son souvenir, à sa mémoire, à son expérience sensible pour expliquer les conditions qui font qu’à l’époque, il a plus ou moins apprécié le programme.

On comprend également la perplexité d’un téléspectateur jeune qui n’a jamais ou très peu vu d’épisode de Thierry la Fronde.
Il ne possède sans doute ni les sensations ni les références culturelles d’un téléspectateur des années 60. Son goût s’est forgé sur des programmes conçus pour une télévision qui n’a pas les mêmes objectifs, les mêmes moyens, les mêmes ambitions artistiques que celle des années 1960.

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Coupe de cheveux, mode vestimentaire, épée de bois : plongée dans les années 60…
INA

Il est cependant une chose importante que ces deux téléspectateurs peuvent partager : il se peut qu’ils ressentent une émotion agréable en regardant un épisode de Thierry la Fronde. Qu’ils cherchent ensemble à qualifier cette appréciation positive, ils s’apercevront sans doute qu’elle est de nature différente car chacun a son goût, cette part subjective qui est propre à chaque spectateur. Qu’ils fassent un pas de plus en essayant de définir à quoi tient cette appréciation positive, ils se mettront à argumenter, à fournir des éléments objectifs pour trouver dans l’œuvre elle-même ce qui peut expliquer cette réussite.