Les réalisateurs s’essaient aux feuilletons

lundi 14 septembre 2015
par  Froissart
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La mise en service des magnétoscopes en 1960 et le développement du film 35 mm et 16 mm, adopté par ailleurs par les cinéastes de la Nouvelle Vague, vont libérer la dramatique de l’emprise exclusive du direct et du studio. Ces avancées techniques favoriseront des créations d’une écriture plus ouverte, en décors naturels, influencées également par la veine documentaire. C’est la voie ouverte à ce que tout téléspectateur connaît désormais sous le vocable de « téléfilm ».

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Le Tour de France par deux enfants réalisé par Claude Santelli en 1957.
INA

L’agence Nostradamus de Pierre Dumayet et Claude Barma est le premier spécimen de fiction en feuilleton diffusée à la télévision française, nous sommes en 1950. Il s’agit d’une initiative isolée. Nous retrouvons Claude Santelli, en 1957, en tant que réalisateur d’un autre feuilleton des origines, Le tour de France par deux enfants constitué de trente-neuf épisodes d’une demi-heure. Il s’inspire d’un album célèbre mettant en scène deux enfants du XIXème siècle qui découvrent la France à la recherche de leur oncle.

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Ivanhoé, le feuilleton britannique, met en vedette Roger Moore pour 39 épisodes.
Télé magazine n°291, mai 1961

Le feuilleton ou la série sont tout de même présents en France par l’entremise de productions anglo-américaines dont les titres chantent à nos oreilles : Ivanhoé où débute Roger Moore, diffusé en avril 1959 et Rintintin, en 1960, pour n’en citer que deux.
La série policière invente son expression télévisuelle et commence à tracer un sillon encore très exploité aujourd’hui. Les cinq dernières minutes en est le titre fondateur en France. On y retrouve Robert Bazil acteur dans plusieurs épisodes. C’est, en effet, en 1958 que le commissaire Bourrel, sous la réalisation de Claude Loursais, entame sa carrière. Il ouvre la voie aux enquêtes de l’Inspecteur Leclerc, en 1962, au Maigret de Claude Barma qui adapte les romans de Georges Simenon en 1967.

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Raymond Souplex est le commissaire Bourrel. (janvier 1958).
INA

Qu’ont en commun Les cinq dernières minutes, Le temps des copains et Janique Aimée deux feuilletons de treize minutes diffusés en 1961 et 1963 ? Ils donnent à voir une photographie de la société française, à travers la diversité des univers professionnels, les tribulations et les aspirations d’une jeunesse qui revendique une reconnaissance et fait connaître ses goûts.

C’est dans ce contexte que Thierry la Fronde investit les écrans en novembre 1963. Petit frère du Temps des copains et de Janique Aimée puisque produit par la même maison de production, Télé France films. Un énorme et foudroyant succès populaire. Bien d’autres feuilletons et séries, après lui, vont jalonner et épouser les évolutions de la télévision française. Force est de reconnaître qu’en cinquante-deux épisodes, Thierry la Fronde a marqué durablement les esprits. A nous d’en découvrir les raisons…

L’historienne et sociologue des médias, Isabelle Veyrat-Masson s’est interrogée sur le rôle de l’Histoire à la télévision. Elle met en avant, pour la période qui nous intéresse, la domination de la fiction et celle des réalisateurs. En 1963, ils sont environ quatre-vingts, ils sont maîtres d’œuvre de toute émission.

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Une contribution d’Isabelle Veyrat-Masson sur le rôle de la télévision dans l’éveil de la conscience historique de bon nombre de Français.
éditions Fayard, 2000

Une catégorie professionnelle donne le « la » pendant ces années : les réalisateurs. Ils s’imposent pendant cette période, en grande partie parce qu’ils tiennent les manettes d’une télévision qui se fabrique essentiellement en direct, mais aussi parce que ce corps professionnel, porteur des traditions du cinéma, est organisé, syndiqué, unifié par une idéologie politique plutôt de gauche, dont Stellio Lorenzi –qui est aussi le producteur de « La caméra explore leTemps »– est un des hérauts. Ces réalisateurs, souvent déçus d’un cinéma qui ne les a pas accueillis, choisissent les dramatiques –la fiction– pour la reconstitution du patrimoine littéraire mais aussi des grands moments de l’histoire de France.